Le Dr. Ismâ’il al-Fârûqî (1921-1986) est né en Palestine à Jaffa. Il passe son enfance entre l’école coranique, la mosquée et la maison familiale. Après avoir terminé sa primaire et son secondaire en Palestine, il obtient une licence de philosophie à l’Université Américaine de Beyrouth (1941) avant d’intégrer l’Université de l’Indiana et Harvard où il obtient deux maîtrises en philosophie (1949-1951). Au-delà de son cursus académique il approfondit et consolide ses connaissances religieuses en étudiant pendant quatre ans à l’Université d’al-Azhar en Égypte (1954-1958). En 1961, il se rend au Pakistan pour établir « L’Institut des Recherches islamiques » de Karachi. Il s’installe ensuite aux États-Unis pour enseigner l’histoire des religions à l’Université de Chicago (1963-1964), puis à l’Université de Syracuse (1964-1968). Il s’installe en 1968 à l’Université de Temple pour y poursuivre ses activités scientifiques et pédagogiques. Il meurt en martyr en 1986, assassiné avec son épouse à leur domicile par un déséquilibré . 1
Réaffirmer la centralité du Tawhid dans la Création et la vie de l’Homme :
L’auteur commence par définir son objet d’étude : « Le tawhid est le fait d’affirmer qu’Allah est le créateur unique, absolu et transcendant, le Seigneur et le Maître de tout ce qui est » . Nous 2 connaissons pour la plupart cette définition, mais ici l’auteur va beaucoup plus loin que cela en établissant des analogies entre le tawhid et plusieurs concepts qui nous paraissent parfois éloignés du champ religieux tels que l’Histoire, les sciences naturelles, la politique, l’économie, les relations internationales, l’esthétique ou encore l’éthique. En filigrane de cette réflexion, l’auteur nous fait comprendre que l’Islam et ses principes, en particulier l’essence du tawhid, poussent l’Homme et a fortiori le musulman à se transformer lui-même, mais aussi sa société, son environnement et par extension l’humanité. La foi musulmane ne peut-être, à l’instar d’autres religions, fondée sur le rejet de ce monde ou une spiritualité creuse et immatérielle, elle doit plutôt vivre et se manifester dans chaque aspect de la création.
Le Tawhid : l’identité et la fierté du musulman :
« Il ne fait aucun doute que l’essence de la civilisation islamique est l’islam ; et que l’essence de l’Islam est le Tawhid. » . Al-Fârûqî nous rappelle que le principe suprême sur lequel est 3 bâti notre civilisation est l’unicité divine. Celui-ci doit être la jauge ultime du musulman, son guide et critère dans sa rencontre et parfois sa confrontation avec les autres religions et civilisations, mais aussi face à des faits et des situations nouvelles. Il nous montre aussi comment la civilisation islamique, de part cet attachement au tawhid, se démarque des autres civilisations, et notamment dans le domaine politique. Dans les années 1950-1960, alors que l’auteur voit apparaître l’émergence des régimes nationalistes arabes, tels que l’Égypte nasserienne il pose une réflexion intéressante sur ce concept du nationalisme en affirmant que celui-ci « a connu le succès en Europe (mais seulement pendant un certain temps, il est sans aucun doute en train de mourrir actuellement) en grande partie parce que l’autorité de l’Église catholique a été mise à mal par la Réforme protestante, et parce que leur Dieu a été détrôné par le scepticisme. Le musulman, dépourvu d’église autoritaire et doté d’une foi inébranlable en un Absolu unique et transcendant, à savoir Dieu, et d’une puissante shari’a pour régir son comportement social, n’a jamais compris le Mohammed al-Moktar al-Shinqiti « Ismail al-Faruqi : porteurs des tourments de l’Orient et de l’Occident »,
1 Législation Islamique et l’Éthique (CILE), 2016.
2 Ismâ’il Râjî al-Fârûqî, Al-Tawhid, Ses implications dans la pensée et la vie, Héritage Édition, 2022, p.7 Ibid.
3. Ismâ’il al-Fârûqî nous renvoie donc à une remise en question sur le rôle du musulman en matière de politique, tout en nous invitant à l’élaboration d’une voie spécifiquement musulmane en adéquation avec le tawhid et toutes ses implications.
Ilyes Belhadj
