La nuit est venue et nous sommes violemment émus à l’idée de nous trouver en face de la «Maison Sacrée d’Allah» vers laquelle, comme les trois cents millions de musulmans du monde, nous dirigions chaque jour nos prières. Nous entrons par la Bab Es Salam, en disant : « J’implore le secours d’Allah contre le Cheïtane lapidé. Ô Allah ! Tu es le Salam, et de Toi vient le Salam, fais-moi vivre avec le Salam et entrer dans le Paradis, demeure du Salam, par Ta Clémence, ô Seigneur de la majesté et de la générosité ! » Après une prière à deux prosternations en l’honneur de la mosquée, nous nous dirigeons vers le centre de l’immense cour, pour accomplir le thouaf, c’est-à-dire les circuits rituels autour de la Kâaba. Mais où est-elle? Au premier moment, nos regards éblouis par les lampes électriques qui étincellent de tous côtés ne parviennent pas à la découvrir. Et pourtant, nous sentons qu’elle est là ; c’est vers elle que se tournent tous ces fidèles en prière ; bien mieux, c’est autour d’elle que ces nombreux pèlerins accomplissent les sept circuits du thouaf, en psalmodiant des invocations.
Nous avançons et, tout à coup, nous la devinons, mystérieuse dans son invisibilité presque complète et provenant de ce que sa kisoua noire, âgée d’un an, a perdu de son éclat et se confond entièrement avec les pentes sombres du Djebel Abi Koubeïs et avec le ciel nocturne. Elle dresse sa masse imposante au-dessus de nos têtes, et l’inscription d’or qui la ceinture aux deux tiers de sa hauteur, scintillant sous les rayons des lampes, semble une écriture surnaturelle, suspendue dans le vide ou gravée dans le ciel, au milieu des étoiles. Cette apparition, si différente de celle que nous attendions, nous secoue profondément, et c’est avec une palpitante émotion que nous approchons de ce «Cœur de l’Islam » vers lequel, comme le sang dans les veines, affluent toutes les prières de tous les coins de l’horizon pour le vivifier. #hajj