S’agit-il d’une « paix-absence de troubles », d’une paix passive accoucheuse d’un ordre social immobiliste, ou d’une paix active de société ouverte impliquant une appréhension en profondeur des relations internationales, d’une paix vivante fondée sur l’échange et l’épanouissement des valeurs et des possibilités humaines ?
La paix normative
La paix est d’abord une idée morale.
En ce sens, il n’y a pas de science de la paix sociale, il n’y a qu’un effort de paix, individuel ou collectif, dans la soumission au dessein divin de fraternité et d’amour entre les hommes.
Dans cette soumission, gît la règle morale d’une paix qui cimenterait l’unité de l’humanité en ouverture à la volonté divine.
Mais la paix sociale est aussi postulat légal, inséparable de la règle juridique qui l’impose à tous et l’assortit de mécanismes de contrôle et de sanction.
La logique juridique conduit inévitablement à la condamnation, par la loi, de l’anarchie, de la force privée, et d’avantage encore de la terreur.
Il n’y a de paix que par le droit. Mais quel droit?
Toute paix sociale, doit être normative pour s’appliquer à la société internationale, conduire au refus des politiques de puissances. Mais la vigueur normative de la paix ne peut dépendre seulement de l’homme, qui peut faire dévier le droit de sa trajectoire sociale pour le mettre au service des intérêts. C’est l’enseignement de l’histoire. Ou qui peut rendre le droit inopérant, en ne l’appliquant pas. C’est ce que nous constatons souvent, quand il s’agit de résolutions prises par les organisations internationales, qui ne sont pas respectées ou qui le sont imparfaitement parce qu’elles sont dépourvues de force coercitive.
C’est pourquoi une paix normative n’est possible que par l’intégration d’une autre dimension, d’une autre valeur solidaire du sens de la transcendance, qui est le sens du sacré. C’est ce sens du sacré qui installe le commandement dans la durée, en le désignant comme un ordre divin pour gouverner un ordre social.
Il ne peut y avoir de paix normative que par l’intégration du sens du sacré, qui paraît s’effacer aujourd’hui dans certaines sociétés contemporaines.
La pensée juridique occidentale, en se laïcisant s’est enfermée dans un piège.
Elle s’est, en effet détachée progressivement des racines éthiques et socio-religieuses qui font la tradition abrahamique de notre civilisation et qui, seules, assurent la continuité du consensus social.
Seule, la pensée juridique islamique a évité jusqu’à présent cette dérive, en restant attachée à la confusion originelle du sacré et du normatif, exprimée dans la Sharî’a, sans laquelle la force normative décline, irrésistiblement, comme un soleil couchant.
L’islam, nous laisse aujourd’hui ce message: à savoir que le sacré, générateur d’interdit, maintient dans toute société la vigueur normative permanente du commandement qui s’impose à tout le corps social.
C’est pourquoi me semble-t-il, que la paix ne deviendra normative dans notre monde d’aujourd’hui que par la résurgence du sacré, par une resacralisation de la cité des hommes, inséparable de la préservation de l’interdit.
Pour un éternel retour Pr Francis Lamand revue le musulman Héritage 2024
