Ramadhan

Le mois du Ramadhan est un battement du temps, sa systole ou sa diastole comme l’on voudra, mais le battement qui marque dans l’année le rappel cyclique du sacré.
La vie est sacrée. Elle doit l’être constamment pour donner un sens à l’épopée de l’homme sur la terre, pour tendre son âme comme une voile où soufflent les vents qui font les grandes tempêtes de l’histoire.
Dès que la vie perd ce caractère, les vents cessent de souffler, la voile se distend sur une mer paresseuse où rien de grand ne peut plus advenir.
Il faut relancer les vents, il faut de nouveau tendre la voile distendue. De même la Djahilia païenne avait à sa manière le sens du sacré qu’elle rappelait chaque année en observant les trois mois de la « non-profanation »: les mois qui commençaient par celui que l’Islam allait consacrer au jeûne sous le nom de Ramadhan.
La civilisation actuelle tend sciemment, systématiquement, à désacraliser la vie, à semer la profanation dans le monde sous prétexte de libération, de désaliénation des esprits. Nous savons le prix que payent les pays les plus civilisés pour cette désacralisation. La technologie actuelle chante à la gloire de la déesse Matière le chant barbare qui désacralise le monde en prétendant en donner une interprétation objective.
En sorte que Ramadhan, en cette fin du 20e siècle, est d’abord comme une invitation discrète de huit cents millions de musulmans au reste de l’humanité à remonter la pente sur laquelle elle s’est engagée avec la technologie, à se reprendre, à s’arracher à cette fureur de profanation qui met en danger même l’environnement biophysique dans lequel s’est produit le premier germe de vie.
Et par cela, l’invitation devient un rappel indirect du sacré sur toute la terre, un moment de régénération de la conscience originelle de l’humanité avant qu’elle n’ait été souillée par toutes les philosophies nihilistes.
Mais avant tout, le Ramadhan c’est le mois de régénération du musulman lui-même, de sa régénération au double sens du mot.
Physiquement d’abord, parce qu’il recueillera l’effet bénéfique de cette double révolution de son système
glandulaire, le premier jour du jeûne et le premier jour de l’Aïd. Mais sur ce point, laissons la parole aux médecins.
Enfin, moralement parce qu’il revivra, dans l’abstinence des sens et le recueillement des mosquées, le
moment grandiose de Ghar Hira, à l’instant où avait jailli le premier verset du Coran.


Que sais-je de l’Islam,
octobre 1971

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